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Patrick Martin sur France Inter : « Il faut que l'Europe, la France en particulier, redeviennent plus rentables, plus productives »

Patrick Martin était l’invité de l’émission « On n’arrête pas l’éco » sur France Inter, l’occasion pour le président du Medef d’évoquer les inquiétudes des chefs d’entreprise face à l’arrivée de Trump aux Etats-Unis, l’Europe, le budget et les tensions actuelles sur le marché du travail.

Sur les inquiétudes des chefs d’entreprise face aux Etats-Unis

« Avec mes homologues allemands et italiens, nous partageons les mêmes inquiétudes, et les mêmes ambitions par ailleurs. (…) Nous tirons le signal d'alarme, nous voulons contribuer à cette prise de conscience parce qu'effectivement Donald Trump va ne faire que prolonger et accélérer les stratégies économiques américaines avec du protectionnisme, avec surtout un effort considérable pour la productivité et l'attractivité du territoire américain. Tout le monde le sait, les rapports de Mario Draghi, d'Enrico Letta l'ont établi. Il est temps qu'on donne un gros coup de collier. Nous avons les capacités de se redresser mais effectivement il y a des tempos, il y a des calendriers institutionnels européens qui ne sont pas à l'échelle. (…) il faut qu'on soit très attentifs. 300 milliards d'euros d'épargne européenne chaque année, s'investissent aux Etats-Unis, c'est absolument glaçant. A la fin des fins, ce qu'il faut c'est que l'Europe, la France en particulier, redeviennent plus rentables, plus productives, qu'on ait plus de croissance et ce n’'est pas exactement la tournure que prennent les événements ».

Sur l’incompréhension des enjeux économiques par les politiques

« Nous avons mis en place, au Medef, un front économique auquel on associe des économistes de premier plan pour qu'il y ait une meilleure compréhension des sujets économiques, notamment par nos politiques. On a l'impression qu'ils sont un peu décalés des réalités conjoncturelles. Quand on voit ce qui se profile dans le cadre du budget, cela va un peu à contresens de ce qu'il faudrait faire. Ce qu'on a préconisé, avec mes homologues allemands et italiens hier, c'est d'abord que le marché européen des capitaux s'organise, il est trop fragmenté, il est trop compliqué, il est trop réglementé et puis surtout que l'Europe et la France se dotent des moyens de la rentabilité et de la croissance ».

Sur le pacte vert et L’Europe

« Pour être compétitif il ne faut pas détricoter le pacte vert, mais il faut le réaménager. Les directives CSRD et CS3D, devoirs de vigilance, c'est pour nous un drapeau rouge et c'est pour nos concurrents un drapeau blanc, celui de la reddition. Pourquoi ? Parce qu'animée par de bonnes intentions, l'Europe s'impose à elle-même un certain nombre de normes, de réglementations, de contraintes, qui la disqualifient en termes de compétitivité économique. Et à la fin, le risque, c’est que l'Europe décroche, que nos valeurs, nos principes soient remis en cause, et qu'on casse cette magnifique construction qu'est l'Union Européenne en ayant voulu bien faire. (…) L’Europe est le continent le plus vertueux en matière d'émissions de gaz à effet de serre. La France, c'est 0,7 % des émissions de gaz à effet de serre, c'est 3 % du PIB mondial. Il faut continuer sur ce chemin. Mais il ne faut pas, à la fin, qu'au motif de ne plus polluer, on s'appauvrisse terriblement et que d'autres, moins scrupuleux, moins vertueux que nous, ramassent la mise . (…) On partage les objectifs, ce sont les calendriers, les modalités que l'on souhaite revisiter. Et en particulier que l'Union Européenne, la France elle-même, nous laisse faire. »

Sur le Mercosur et les accords internationaux

« Ces accords commerciaux, c'est devenu une espèce d'objet idéologique et totalement passionnel. Donc oui, il faut prendre un peu de recul par rapport à ce traité Mercosur, notamment pour réaménager ce qu'on appelle les clauses miroirs sur le plan environnemental. On a 20 % de salariés qui travaillent pour l'exportation. Si on ne peut plus travailler avec les Etats-Unis parce qu'ils deviennent protectionnistes, si on ne peut plus travailler avec la Chine parce que, de fait, elle est devenue protectionniste, et qu'on s'interdit de travailler avec l'Amérique latine ou avec l'Afrique, qui ont des perspectives très intéressantes, avec qui travaillera-t-on ? »

Sur le budget

« Nous avons demandé que les efforts soient répartis entre baisse des dépenses publiques à hauteur des deux tiers et effort ponctuel et ciblé des acteurs privés, les entreprises en particulier, à hauteur d'un tiers. Ce qui nous est proposé, aujourd'hui, c'est deux tiers à la charge des contribuables, essentiellement les entreprises, et avec beaucoup de mesures structurelles et durables, en particulier sur les charges sociales. Entre augmenter les impôts ou créer des emplois, il faut choisir. Pour l'instant, l'option qui est prise, c'est plutôt d'augmenter les impôts. (…) Le système est fou. C'est vrai qu'il faut le remettre à plat. Mais les entreprises françaises sont les plus taxées de l'OCDE, de l'économie développée. On ne peut pas dire une chose et son contraire. On ne peut pas dire qu'il faut gagner en pouvoir d'achat, en emploi, et puis d'un autre côté altérer la compétitivité des entreprises françaises. Les 8 milliards d'euros de charges supplémentaires que prévoit le budget actuel, c'est autant d'emplois en moins. Et on ne pourra pas augmenter les salaires. (…) Ce qui est prévu dans ce budget, c'est finalement de ralentir l'activité, de ralentir l'emploi. »

Sur le temps de travail et le marché du travail

« Il faut se demander pourquoi on a un revenu par habitant de 22 % inférieur à celui des Pays-Bas. De 15 % inférieur à celui de l'Allemagne. Ce qui n'était pas le cas il y a 20 ans. Et la raison principale, c'est qu'on n'investit pas assez et qu'on ne travaille pas assez. Si on veut conserver notre modèle social, il faut s'en donner les moyens. Il faut qu'on ait plus de personnes à l'emploi et il faut que chacune de ces personnes à l'emploi travaille plus. (…) Si à un moment donné on dit il ne faut pas travailler plus et il faut cotiser moins, allons jusqu'au bout du raisonnement. Ça veut dire moins de protection sociale, ça veut dire moins de services publics, pourquoi pas ? Mais il faut que ce soit un choix éclairé et démocratique ». (…) Il y a des secteurs qui sont en grande difficulté, l'automobile, la chimie, le bâtiment, c'est catastrophique. C'est multifactoriel ces situations, mais ça résulte en bonne part de décisions publiques inappropriées. (…) Il faut à un moment donné faire preuve de rationalité. Le pire n'est pas certain. Moi, je reste très optimiste. Mais il faut, à un moment, qu'on balaie devant notre porte. »

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