Dans le cadre du Grand débat national, le MEDEF a mobilisé l’ensemble de son réseau. 133 débats ont eu lieu sur tout le territoire. Ils ont permis de recueillir des centaines de propositions portant sur la fiscalité, le pouvoir d’achat, l’organisation et l’efficience des services publics, la transition écologique.
Le triple paradoxe français
Premier paradoxe, alors que 78 % des Français jugent la société injuste, il s’avère que les écarts après redistribution n’évoluent pas, voire régressent car la France prélève 48 % du PIB en impôt. Au final, après redistribution, les 10 % les plus riches gagnent 5,7 fois plus que les 10 % les plus pauvres. Un récent rapport des partenaires sociaux a également montré que le partage de la valeur ajoutée en entreprise est stable. Ce qui caractérise notre pays c’est en fait le déterminisme social : 63 % des français pensent en effet que la réussite sociale est jouée d’avance.
Deuxième paradoxe, la France dépense 57 % de sa richesse dans les services publics et les prestations sociales et pourtant elle est mal classée ou en régression dans un certain nombre de classements internationaux où la sphère publique intervient, en raison d’un système de management insuffisant et d’une faible productivité, due notamment au temps de travail.
Troisième paradoxe, notre taux de chômage, 8,8 %, bien qu’en baisse, demeure très supérieur à celui des pays comparables. Ce taux élevé masque des différences géographiques fortes : 2 millions d’emplois ont été créés entre 1999 et 2011, mais la moitié dans 30 bassins d’emploi. Cette surconcentration s’explique en partie par une tendance mondiale de métropolisation de l’économie, mais elle est amplifiée en France par la structure et la croissance de la fiscalité et notamment par le poids de la fiscalité locale sur les moyens de production.
Choc fiscal et décentralisation
Pour recréer de la richesse à partager dans les territoires et remettre en route l’ascenseur social, les entrepreneurs du MEDEF proposent un choc fiscal et de décentralisation. Ils ont pour cela formulé des propositions concrètes autour de deux ambitions et de sept impératifs.
1ère ambition : réussir enfin la décentralisation
Contrairement aux idées reçues, la France reste aujourd’hui un pays très centralisé. Pour réussir enfin la décentralisation, les entrepreneurs proposent une autonomie financière et une contrainte d’équilibre budgétaire forte pour les collectivités territoriales afin de renforcer leur pouvoir de décision sans augmenter la pression fiscale. Cela permettrait de rétablir de la confiance dans notre démocratie et d’améliorer l’efficacité du secteur public. Les entrepreneurs proposent donc six principes pour une décentralisation réussie :
- Pour chaque niveau, des compétences et des financements exclusifs
- Une règle d’or budgétaire qui responsabilise les élus
- Un approfondissement de la compétence économique des régions (fiscalité des entreprises, emploi, formation) pour renforcer l’attractivité des territoires
- Un recentrage de l’État sur ses fonctions de stratégie et de conception des politiques publiques
- Un encouragement à regrouper les échelons infrarégionaux (fusion)
- De la transparence et du contrôle à tous les échelons, et de la pédagogie sur la gestion publique locale
Deuxième ambition : Baisser fortement la fiscalité sur les ménages et les entreprises
Les politiques budgétaires depuis 30 ans se soldent par un constat d’échec : record des prélèvements obligatoires à 48,2 % du PIB et à 56,5 % des dépenses publiques, comptes publics parmi les plus dégradés de l’UE : près de 100 % de PIB de dette et plus de 3 % de déficit en 2019, chômage de masse à près de 9 % en 2018, et près de 20 % pour les jeunes, croissance potentielle faible à 1,3 % du PIB.
Face à cela le « ras-le-bol » fiscal est très largement partagé : 90 % des Français jugent urgent de réformer en profondeur notre système fiscal et
74 % estiment nécessaires de baisser les dépenses de l’État pour diminuer les dépenses publiques.
Face à ce constat alarmant, les entrepreneurs proposent un programme équilibré de rétablissement économique. Ce programme se traduit par trois volets :
- Un volet compétitivité de 2 pts de PIB. 1 pt de PIB (environ 23 Mds€) de baisse des cotisations salariés pour rendre du pouvoir d’achat et de la compétitivité et 1 pt de PIB de baisse des impôts de production pour soutenir l’emploi dans les territoires
- Un volet efficacité/responsabilité permettant 2 pts de PIB de baisse des dépenses publiques : réforme des régimes sociaux, réforme de l’organisation de la sphère publique…
- Un volet investissements publics de 1 pt de PIB, permis par des retours d’impôts. Ces investissement seraient étalés sur 5 ans (formation, transition écologique, infrastructures) et largement orientés vers le développement des territoires.
Ce programme produirait des effets positifs forts et durables sur la croissance et l’emploi. À court terme, grâce aux gains de trésorerie pour les ménages et les entreprises qui vont investir davantage, mais aussi grâce aux effets bénéfiques sur la confiance. À moyen et long terme, en augmentant l’offre productive dans le privé et le public, avec des effets d’entraînement sur l’investissement, l’emploi, l’innovation et la confiance. Au total nous aurions une croissance potentielle plus forte sur la durée.
Parallèlement, un débat sera également nécessaire sur les politiques économiques européennes (commerce, concurrence, marché intérieur…)
Un plan de mesures autour de 7 impératifs
Pour les entrepreneurs les 7 impératifs que le gouvernement doit prendre en compte sont les suivants : redémarrer l’ascenseur social, booster le pouvoir d’achat, recoller les morceaux d’une France fragmentée, desserrer la pression sur les logements, renforcer l’attractivité des territoires, refaire du service public un vrai service au public, accompagner la transition écologique.
Redémarrer l’ascenseur social
L’actuel sentiment de stagnation et d’injustice sociale n’est plus tenable. Il touche désormais 7 Français sur 10. L’ascenseur social est en panne et il faut désormais six générations (180 ans) pour passer du bas à la moyenne de l’échelle sociale.
Pour redémarrer l’ascenseur social les entrepreneurs proposent des mesures phares :
- attribuer un « capital départ » afin de permettre aux jeunes d’entreprendre leur destin ;
- donner accès à tous les actifs à une formation digitale ;
- faciliter l’obtention du permis de conduire (VL et PL) en en réduisant le coût et en intégrant le passage du code de la route dans le programme scolaire ;
- attribuer des bourses d’étudiants : promouvoir la possibilité pour les entreprises de prendre en charge tout ou partie du financement de la scolarité d’étudiants qui pourraient les rejoindre ;
- faire circuler le patrimoine des plus anciens vers les plus jeunes par les donations en augmentant l’abattement à 150 000 euros et en réduisant le délai de son application de 15 à 8 ans
Booster le pouvoir d’achat
L’amélioration du pouvoir d’achat est aujourd’hui la principale préoccupation des Français. 68 % des actifs estiment que leur pouvoir d’achat a diminué depuis deux ans ;
Pour booster le pouvoir d’achat, les mesures phares proposées par les entrepreneurs sont les suivantes :
- baisse d’1 pt de PIB des cotisations salariés ;
- prolonger le succès de la prime exceptionnelle en permettant la mise en place par décision unilatérale d’un dispositif d’intéressement pour toutes les entreprises de 1 à 250 salariés avec une exonération d’impôt (CSG-CRDS et IR) sous un plafond de 1000 euros.
Recoller les morceaux d’une France fragmentée
Aujourd’hui, dans les espaces ruraux le trajet domicile/travail est en moyenne de 40 km. De nombreuses zones isolées restent déconnectées et un maillage territorial est à retisser
En ce domaine les mesures phares proposées sont les suivantes :
- mettre en place une prime mobilité « domicile-travail » pour les salariés habitant en zones peu denses, prise en charge par l’État, les régions et les employeurs (prévoir une modulation « écologique » de la solution de transport choisie (co-voiturage) ;
- ouvrir à la concurrence le transport ferroviaire régional dès le 1er janvier 2020 dans certaines régions pour redynamiser la desserte des territoires ;
- mobiliser d’urgence le dernier volet du plan Très Haut Débit, soit un plan de financement de 10 milliards et favoriser le déploiement de la 5G ;
- inciter au télétravail notamment en cas de pics de pollution ou de difficultés de transport et encourager l’implantation de lieux de coworking par exemple en exonérant de versement transport les entreprises concernées.
Desserrer la pression sur le logement
Les Français consacrent aujourd’hui 38,4 % de leurs dépenses mensuelles à leur budget logement et 7 Français sur 10 se disent prêts à renoncer à changer d’emploi si cela conduit à augmenter ces dépenses.
Là les mesures phares proposées sont :
- supprimer les droits de mutation sur les résidences principales d’un montant inférieur à 300 000 euros, et les rendre progressifs au-delà ;
- mettre en place une prime de 1000 euros pour l’aide au déménagement des salariés modestes vivant à plus de 30 km de leur travail dont le financement serait à la charge d’Action Logement ;
- consacrer les mesures du Plan d’investissement volontaire d’Action Logement à l’amélioration des performances énergétiques des logements, à la rénovation des logements locatifs et à l’aide apportée aux salariés pour se rapprocher de leur lieu de travail ;
- améliorer l’offre de logement en mettant à plat la fiscalité locative au travers de l’étude d’un statut fiscal du bailleur privé producteur de services.
Renforcer l’attractivité des territoires
La désertification de certains territoire a fait perdre en attractivité. Aujourd’hui, 1 commune sur 2 n’a plus de commerce de proximité et de 1999 à 2014, alors que la croissance de l’emploi était de 1,4 % par an dans les 12 plus grandes métropoles de province, elle n’était que de 0,8 % sur l’ensemble du territoire.
Pour inverser la tendance, les mesures phares des entrepreneurs sont :
- favoriser l’attractivité fiscale des territoires en supprimant la cotisation foncière des entreprises (CFE), et en la remplaçant par une part d’un impôt national équivalente. Cela doit s’accompagner d’une revue générale de la fiscalité locale ;
- mettre en place un dispositif unique simplifié de zone franche, sur longue durée (10 ans), bénéficiant d’exonérations d’IS et de charges sociales ;
- assurer pour les Outre-mer, un cadre social et fiscal clair, stable, adapté à leurs spécificités et enfin favorable au développement de l’emploi.
Refaire du service public un vrai service au public
Le coût de la complexité administrative est estimé à 3 ou 4 % PIB, soit 60 à 80 Mds € . L’absentéisme est de 26 jours dans la fonction publique territoriale contre 17 jours dans le privé.
Pour refaire du service public un vrai service au public, les mesures phares proposées sont :
- simplifier et optimiser l’organisation territoriale en systématisant un principe de lisibilité avec une ressource fiscale gérée de manière autonome, une ou plusieurs compétences exclusives, un responsable identifié :
- développer la notation citoyenne des services publics (indicateurs de performance, publication, accès des données en open data)
- aligner les règles du public et du privé en matière de temps de travail et retraite ;
- pour la santé, mettre en place une permanence sous forme de télémédecine dans chaque commune, couplée à un réseau de médecins généralistes et de spécialistes vers lesquels peut être orienté le patient.
Accompagner la transition écologique
Tous les entrepreneurs partagent le même sentiment d’urgence sur la transition écologique. Mais ils ont un besoin absolu de visibilité et de stabilité pour rentabiliser les investissements à long terme. Une fiscalité écologique juste, lisible et prévisible est acceptable mais elle ne doit pas nous mettre hors compétitivité.
Les mesures phares proposées sont :
- favoriser le « produire en France » en réduisant l’empreinte carbone de nos importations (souveraineté, concurrence équitable) ;
- « verdir » les véhicules d’entreprises en pérennisant le dispositif de suramortissement (suramortissement « vert ») pour l’investissement et en en élargissant les critères pour qu’il couvre tous les investissements en matière de mobilité moins émettrice